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Publication : samedi 11 juin 2011 13:04
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Écrit par Stéf.
« Intégration » pour une personne TED, par une personne TED.
En tant qu’Auxiliaire de Vie Scolaire, j’accompagne un petit garçon souffrant de troubles autistiques. Paul a 4 ans, il est intégré toutes les matinées de la semaine dans une classe de petite section de maternelle dans une école ordinaire. La réalisation de cette intégration scolaire représente la première marche vers une intégration sociale, vers une intégration dans la vie à laquelle chaque individu à le droit de prétendre. À l’école, Paul apprend la vie en groupe, ce groupe qui ne représente encore pour lui qu’une nébuleuse d’êtres disparates mais avec lesquels nous apprenons à interagir. C’est à travers cette interaction avec ses pairs que nous lui offrons la possibilité de se situer et de situer l’autre, mais aussi et surtout d’établir un mode de communication qui lui permette de mieux comprendre et être compris. La présence d’une Auxiliaire de Vie Scolaire permet à un enfant souffrant d’un handicap de suivre autant que faire se peut une scolarité. L’auxiliaire est une passerelle, cette passerelle qui fait défaut entre le monde ordinaire, souvent remplis d’énigmes et d’inepties, et le monde du « handicap ».
Afin que Paul puisse profiter pleinement de son intégration scolaire, je tente de lui rendre plus compréhensibles les consignes des ateliers auxquels il participe, mais aussi et surtout, il est important qu’un Enfant Avec Autisme puisse anticiper et sentir qu’il a une main mise sur l’espace et le temps. À cette fin nous avons mis en place un emploi du temps mural à l’aide de photographies qui permettent à Paul de mieux appréhender les différentes étapes de la matinée et de mieux gérer les moments de transition.
L’école représente une micro société qui lui permet aussi d’apprendre les gestes « simples » de la vie quotidienne (aller aux toilettes, prendre un goûter, jouer… ) et d’assimiler les fameux codes sociaux. C’est en ce lieu que l’enfant développe son autonomie et que le processus de socialisation s’érige. Aussi, afin de permettre à tous les enfants de bénéficier du droit à la scolarité, c’est tout un dispositif – auquel doivent participer un ensemble d’acteurs – qui doit, souvent avec trop de réticences, se mettre en place. Paul a beaucoup de chance, car il a une maîtresse formidable qui l’intègre même sans ma présence une partie de la matinée, et ce, afin que le mot « intégration » prenne tout son sens. C’est à cet instant précis que Paul est enfant parmi les enfants ; merci Nelly.
L’école n’est pourtant pas le seul lieu où Paul a besoin d’être accompagné. L’« éducation » de ces enfants se poursuit aussi à la maison. C’est dans ce lieu familier et privilégié que sont mises en place des séances de travail à la table. Il faut en effet bien souvent aider ces enfants à exprimer leurs potentiels et palier leurs « manques ». Les exercices mis en place sont spécifiques à chacun et s’inscrivent dans un Programme d’Éducation Individualisé. Les domaines travaillés correspondent à la motricité fine et générale, les performances cognitives, l’imitation, l’interaction, l’initiation aux jeux fonctionnels etc. Pourtant l’accompagnement au domicile ne se limite pas non plus à ces temps de travail définis et structurés. Là aussi il faut apprendre à Paul les gestes de tous les jours, ceux de la vie… Chaque acte spontané chez une personne ordinaire exige de Paul un effort de compréhension, d’assimilation et de réalisation.
Il semble impératif que les Auxiliaires de Vie, comme toutes les personnes amenées à travailler avec un enfant handicapé, soient suffisamment formées et préparées. Dans le cadre de l’Autisme, il est inconcevable de pouvoir espérer apporter une aide quelconque si nous demeurons étrangers aux concepts de l’hyper-sélectivité, de la théorie de l’esprit et de tous ces grandes notions sous lesquelles se cachent tout simplement le mode de fonctionnement et de compréhension du monde extérieur de l’enfant touché par l’Autisme. Être Auxiliaire d’Intégration Scolaire est parfois aussi difficile à définir que l’Autisme lui même. Il faut savoir à la fois être présent tout en sachant s’effacer, prendre en considération les spécificités de l’enfant, l’accepter dans ses compétences et ses limites, apprendre à écouter, même un enfant non verbal, ainsi qu’à regarder, même un enfant au regard fuyant.
Céline Lederf est psychologue à « Autisme 92 », elle m’a appris à toujours faire garder à l’esprit des gens, le fait que parfois « ce n’est pas qu’ils ne veulent pas, mais qu’ils ne peuvent pas ». C’est une réalité, même si je reste persuadée que ces enfants ne sont pas démunis de désirs et de volonté. Nous sommes donc avant tout là pour leur permettre d’accéder à une autonomie, source, espérons-le, d’une meilleure qualité de vie. Je déteste que l’on dise simplement de Paul : « Il est autiste », j’ai alors le sentiment que le handicap le définit tout entier alors que ce petit bonhomme est bien plus, ou en tous cas, qu’il n’est pas que ça. Il souffre d’Autisme, il est avant tout un enfant. Je n’ambitionne nullement de le faire « sortir » de son monde, j’essaie juste de faire en sorte qu’il soit fier de ce qu’il est et qu’on le respecte pour cela.
Stéfany Bonnot Briey, AVS, Personne TED et Vice Présidente de SAtedI : www.satedi.net. © Décembre 2002.