En tant qu’Accompagnante Psycho-Educative (APE), j’accompagne un petit garçon présentant des troubles autistiques.
Paul a 4 ans, il est intégré toutes les matinées de la semaine dans une classe de petite section de maternelle dans une école ordinaire. La réalisation de cette intégration scolaire représente la première marche vers une intégration sociale, vers une intégration dans la vie à laquelle chaque individu a le droit de prétendre.
A l’école, Paul apprend la vie en groupe ; ce groupe qui ne représente encore pour lui qu’une nébuleuse d’êtres disparates, mais avec lesquels nous apprenons à interagir. C’est à travers cette interaction avec ses pairs que nous lui offrons la possibilité de se situer et de situer l’autre, mais aussi et surtout d’établir un mode de communication qui lui permette de mieux comprendre et être compris. La présence d’une APE permet à un enfant présentant un ‘handicap’ de suivre autant que faire se peut une scolarité. Nous sommes une passerelle, cette passerelle qui fait défaut entre le monde ordinaire, souvent rempli d’énigmes et d’inepties, et celui de la ‘différence’.
Afin que Paul puisse profiter pleinement de son intégration scolaire, je tente de lui rendre plus compréhensibles les consignes des ateliers auxquels il participe mais aussi et surtout, il est important qu’un enfant autiste puisse anticiper et sentir qu’il a une main mise sur l’espace et le temps. A cette fin, nous avons mis en place un emploi du temps mural à l’aide de photographies qui permettent à Paul de mieux appréhender les différentes étapes de la matinée et de mieux gérer les moments de transition.
L’école représente une micro société qui lui permet aussi d’apprendre les gestes ‘simples’ de la vie quotidienne (aller aux toilettes, prendre un goûter, jouer...) et d’assimiler les fameux « codes sociaux ». C’est en ce lieu que l’enfant développe son autonomie et que le processus de socialisation s’érige. Aussi, afin de permettre à tous les enfants de bénéficier du droit à la scolarité, c’est tout un dispositif, auquel doit participer un ensemble d’acteurs, qui doit, souvent avec trop de réticences, se mettre en place.
Paul a beaucoup de chance car il a une maîtresse formidable qui l’intègre même sans ma présence une partie de la matinée, et ce, afin que le mot ‘intégration’ prenne tout son sens. C’est à cet instant précis que Paul est enfant parmi les enfants ; merci Nelly !
L’école n’est pourtant pas le seul lieu où Paul a besoin d’être accompagné. L’‘éducation’ de ces enfants se poursuit aussi à la maison. C’est dans ce lieu familier et privilégié que sont mises en place des séances de travail à la table. En effet, il faut, bien souvent aider ces enfants à exprimer leurs potentiels et palier leurs déficiences. Les exercices mis en place sont spécifiques à chacun et s’inscrivent dans un Programme d’Education Individualisé. Les domaines travaillés correspondent à la motricité fine et générale, les performances cognitives,l’imitation, l’interaction, l’initiation aux jeux fonctionnels, etc.
Pourtant l’accompagnement au domicile ne se limite pas non plus à ces temps de travail définis et structurés. Là aussi il faut apprendre à Paul les gestes, la vie, de tous les jours. Chaque acte spontané chez une personne ordinaire exige de Paul un effort de compréhension, d’assimilation et de réalisation. Il semble impératif que les APEs, comme toutes les personnes amenées à travailler avec un enfant différent, soient suffisamment formées et préparées.
Dans le cadre de l’autisme il est inconcevable de pouvoir espérer apporter une aide quelconque si nous demeurons étrangers aux concepts de l’hypersélectivité, de la théorie de l’esprit et de toutes ces grandes notions sous lesquelles se cachent tout simplement le mode de fonctionnement et de compréhension du monde extérieur de l’enfant avec autisme.
Etre APE est parfois aussi difficile à définir que l’autisme. Il faut savoir à la fois être présent tout en sachant s’effacer, prendre en considération les spécificités de l’enfant, l’accepter dans ses compétences et ses limites, apprendre à écouter, même un enfant non verbal, ainsi qu’à regarder, même un enfant au regard fuyant. Il est essentiel de toujours garder à l’esprit le fait que parfois « ce n’est pas qu’ils ne veulent pas mais qu’ils ne peuvent pas », c’est une réalité, même si je reste persuadée que ces enfants ne sont pas démunis de désirs et de volonté. Nous sommes là donc avant tout pour leur permettre d’accéder à une autonomie, source, espérons-le, d’une meilleure qualité de vie.
Je déteste que l’on dise simplement de Paul : « Il est autiste », j’ai alors le sentiment que le handicap le définit tout entier alors que ce petit bonhomme est bien plus ou, en tous cas, il n’est pas que ça. Il présente un fonctionnement autistique, il est avant tout un enfant. Je n’ambitionne nullement de le faire ‘sortir’ de son monde, j’essaie juste de faire en sorte qu’il soit fier de ce qu’il est et qu’on le respecte pour cela.
Stéf, APE et Personne_TED, VP_de_SAtedI :www.satedi.org