Bonjour
Bonjour
Bonjour à tous,
Me voilà, Binu, 34 ans, et coincée quelque part entre l'Asperger et le neurotypique. Je ne me balance pas, enfin, pas trop, même si mes parents autrefois m'ont reprise pour limiter mes balancements et remuements de pieds, et même si, toute seule, lorsque je suis excitée, je sautille, tourne sur moi-même, et fais d’autres choses étranges. Je n'aligne pas les objets, je ne me passionne pas pour les machines (mais pour les alphabets, OUI!!! Tout nouvel alphabet est une découverte passionnante par ce qu’il révèle du fonctionnement de l’esprit humain qui l’a conçu ou l’utilise). Cependant, je suis aussi par bien des côtés affligée, que la responsabilité en incombe à la génétique, à mes expériences passées, ou aux deux, d'"étrangetés" qui me rapprochent de l'autisme.
Depuis longtemps, je sais que je suis différente sans trop savoir pourquoi.
Au début, lorsque, vers l'âge de 7 ans, je me suis passionnée, suite à différents évènements, pour les questions philosophico-spirituelles, je pensais simplement être "différente" comme chacun est différent dans ses intérêts ou ses aptitudes - sans que cela implique quelque handicap ou "maladie" que ce soit -. Je savais que lorsque je passais toutes mes récréations sur des questions que nul ne semblait se poser, j'étais "hors norme" au point de ne pouvoir (j'en étais convaincue) jamais trouver quiconque avec qui communiquer mes passions. Je me posais toutes ces questions seulement pour moi-même, mais en dépit de l'indicible solitude que cela implique, et de la conviction qu'être différent est dangereux dans notre monde, je me sentais "normale".
J'ai continué ainsi ma vie "inhabituelle", marquée aussi, vers l'âge de 10 ans, de séries de cauchemars qui m'empêchèrent de dormir normalement pendant peut-être un an. Ces cauchemars m'angoissaient tellement que je ne pouvais concevoir le lendemain sans sentir qu'entre aujourd'hui et demain se trouvait un mur quasi-infranchissable: la nuit. Je n'en ai parlé à personne sur le coup. Je n'ai pas pu.
Pour beaucoup d'autres choses, je n'ai pas parlé rapidement de ce qui m'était arrivé non plus, puisque je préférais attendre qu'il y ait "prescription" pour parler. Penser que l'on pourrait interpréter qui je suis, en tirer des conclusions et changer d'attitude envers moi de ce fait me gênait.
C'est vers l'âge de 11 ans que j'ai commencé à envisager sérieusement l'existence d'une pathologie chez moi.
Après tout, à cette époque, j'avais eu l'ambition de supprimer ma tendance à m'enfermer dans un monde imaginaire fantasmé et, pour ce faire, je m'interdisais de m'inventer des histoires le soir avant de me coucher. Soit. Mais, à la place, étant totalement incapable de "lâcher prise" et ayant la volonté inébranlable de maîtriser ma pensée à chaque instant, au lieu de simplement rêvasser et m'enfoncer tranquillement dans le sommeil, je me posais des questions philosophiques auxquelles j'essayais de répondre avec une rigueur maximale. Je m'interdisais de m'endormir sans avoir répondu à la question, ou sans avoir, tout au moins, fait un bilan de ce à quoi j'étais arrivée : les conclusions certaines que j'avais tirées de ma réflexion, et le pourquoi de ces conclusions, le degré exact d'incertitude que j'avais sur d'autres points - un bilan rigoureux fait par la maniaque de la vérité que j'étais. C'est au milieu de cette période ponctuée de pleurs lorsque je ne trouvais pas assez vite la réponse à une question philosophique que je m'étais imposée que j'ai commencé à me comparer à ce que je savais des autres et à me demander si ma différence n'était pas plus qu'une simple "particularité" pour relever plutôt de l'anomalie psychiatrique... Cette crainte de ne pas être "normale" ne m'a pas quittée depuis.
Lorsque j'étais au lycée, j'ai demandé une fois à mon frère comment mes camarades me percevaient. Mon frère a dit que j'étais perçue comme "un peu autiste, mais sinon ça allait". j'ignorais ce que c'était que l'autisme, à cette époque. Par la suite, via Internet, je me suis renseignée. J'en ai conclu que je n'étais pas autiste (pas atteinte de l'autisme de Kanner en tout cas), mais quoi d'autre? Petit à petit, j'en viens à mieux comprendre ce qui me fait ressembler à une personne autiste, et ce qui me fait différer d'une telle personne.
J'ai évolué avec le temps, mais je me heurte encore aujourd'hui à une série de problèmes qui m'handicappent dans ma vie sociale et sentimentale surtout, dans ma vie professionnelle un peu...
Je suis toujours attachée à la vérité à un degré inhabituel. Je sais mentir, mais certains jours je ne sais pas le faire « comme il le faudrait ». Une chef va me demander si elle a parlé « stratégiquement » par exemple, et moi qui ai trouvé son discours bon, je ne lui réponds pas « oh oui, tu as été géniale », mais à la place je ne dis rien car je me demande si le mot « stratégique » correspond bien à la situation. Je me sens obligée de dire aussi ce qui ne s’est pas bien passé avec certaines personnes que j’aime, car j’estime qu’il serait hypocrite de ne dire que le positif.
Je me refuse à utiliser certains mots s’ils ne sont pas exacts, et, au lycée, je me refusais à « parler pour ne rien dire » car à chaque question je souhaitais pouvoir apporter au moins « la meilleure réponse que je sois capable d’apporter ». Totalement en décalage avec autrui, c’est dans les clowneries que j’ai trouvé un semblant de possibilité d’intégration, mais aujourd’hui encore, je parle trop, trop de moi et de mes passions, et je semble ne jamais savoir à coup sûr quand m’arrêter ou quoi dire. Pourtant, à d’autres moments, je parle trop peu, et, en réunion de famille voire en réunion professionnelle, je peux sombrer aisément dans le rôle d’observateur silencieux.
Des années après, j’ai vu une vidéo des cinquante ans de mariage de mes grands-parents, et là, j’ai vu à quel point j’étais, de façon évidente, « différente ».
J’aime les êtres humains, mais à ma façon. D’abord, j’en ai peur. Je ne les ai pas compris autrefois et ils ne m’ont pas comprise. Je ne sais pas comment leur parler ou à tout le moins je suis persuadée de ne pas savoir. Je les aime assez pour m’être investie dans l’humanitaire, mais j’aime ainsi des humains qui me sont loin… il est plus difficile d’aimer ceux qui sont proches.
Lorsque je parle avec une personne nouvelle, parfois elle est ravie de l’intérêt que je lui porte, et que ne lui portent pas les gens moyens. Mais mon intérêt est plus « collectif » qu’individuel, même si les gens ne s’en rendent pas toujours compte. Je me renseigne sur la langue, la religion de l’autre et de son peuple (je vis dans un environnement ou chaque nouveau collègue, ou presque, est d’une nationalité différente des autres). Je me passionne pour les mécanismes de la guerre civile et l’impact qu’ils ont sur les êtres. Je demande comment la structure des idéogrammes chinois structure la pensée du peuple qui les utilise. Je me délecte de la subtilité de l’alphabet amharique. Je compte à l’un jusqu’à 5 en khmer, je parle à l’autre de la religion jain… Mais tout cela ne fait pas forcément de moi quelqu’un de passionnée par la pensée de l’individu que j’ai en face de moi, mais plutôt quelqu’un de passionnée par le collectif lointain auquel cet individu proche me permettra d’avoir accès.
Plus qu’un autre, je me sens déchirée par les souffrances d’autrui, mais moins qu’un autre je sais faire preuve d’une amitié « simple », d’une sociabilité tranquille, d’une relation interpersonnelle « normale ». Je rêve de sauver celui que j’aime des balles, mais face à lui je sais faire des erreurs ou pleurer, pas faire preuve des subtilités sociales que l’on attendrait de moi. Les gens que je connais savent que je suis « spéciale », cela semble inéluctablement reconnu, même lorsque je pense avoir réussi à me « cacher ». Cependant, personne ne met vraiment de mot sur cette mixture de manque de compétences relationnelles et de « bizarreries » que je suis.
Souvent, je me demande « ce que je devrais faire » socialement. J’ai l’impression d’être « aveugle ». Je ne comprends pas spontanément ce que l’on dit, et je dois faire un effort supplémentaire pour noter et structurer la pensée de celui qui fait un discours. Mais si je peux ne rien comprendre et tout oublier si je ne fais pas d’effort spécial, une fois que j’ai fait l’effort nécessaire pour « donner du sens » à ce qui est dit, l’analyser et me l’approprier, ma compréhension de la chose dépasse celle de la moyenne des gens. J’ai réussi ma scolarité d’une façon dite « remarquable » (deux ans d’avance, grandes écoles, parcours accéléré par la suite) et mon parcours professionnel est plus qu’honorable (sauf en ce qui concerne les relations interpersonnelles, les cocktail, accepter de prendre l’ascenseur avec d’autres et de devoir parler pour ne rien dire), mais j’en suis encore à rêver d’apprécier de rencontrer des gens nouveaux, de savoir conserver des relations avec mes amis, et de rencontrer quelqu’un avec qui faire ma vie… « Je ne sais pas » comment conserver mes amis, j’ai un grand besoin de distance d’avec les autres mais en même temps la proximité d’autrui me manque et je compense le vide affectif correspondant en parlant sur Internet.
Je me force désormais à sortir de chez moi (sinon j’allais passer ma vie à travailler et à lire) mais une situation nouvelle me stresse, si elle est sociale (par exemple, aller pour la première fois à la patinoire parce qu’il faudra avoir l’air un peu bête et novice au guichet – je sais, moi-même je trouve ça idiot-). Je dois me convaincre que je ne dérange pas les autres, et j’ai une estime de moi assez basse… Sinon, me voilà ayant inventé un alphabet et l’utilisant régulièrement pour mes notes, passant et repassant mes doigts sur une carte de visite en braille car la sensation est délicieuse, regardant le chiffre 52 car j’aime le mélange des couleurs bleue et jaune que la synesthète que je suis y voit, détestant l’idée de devoir travailler en équipe bientôt, et pleurant devant une vidéo de parents disant de leur enfant sur le spectre autistique qu’ils l’adorent et seront toujours là pour lui.
Me voilà, moi qui ai réussi brillamment ma scolarité, qui sais m’envoler toute seule pour des pays très lointains et parler en réunion devant des directeurs généraux de ministères sans stresser, en train de stresser à l’idée d’aller à un stage de théâtre amateur, de trouver qu’aller à un dîner où je vais rencontrer des gens nouveaux est une corvée que l’on accepte pour le bien du travail, et en train de me demander, une nouvelle fois, si je ne serais pas un peu PDD-NOS (trouble envahissant du développement, sans diagnostic spécifique). Si bien des choses chez moi ne « collent » pas avec l’autisme, ce qui en moi est proche de ce diagnostic me ramène, année après année, à des sites comme celui-ci, à ceci près qu’autrefois je n’ai pas trouvé de forum où on en parle, seulement des sites Internet ne permettant pas d’interaction avec d’autres personnes atteintes (ou non) du syndrome.
Voilà pour ma longue présentation… Je me doute que je me présente comme un paquet de contradictions, mais je souhaite vous rencontrer tout de même et, peut-être, avancer sur mon propre chemin tout en trouvant de nouveaux amis.
Binu
Me voilà, Binu, 34 ans, et coincée quelque part entre l'Asperger et le neurotypique. Je ne me balance pas, enfin, pas trop, même si mes parents autrefois m'ont reprise pour limiter mes balancements et remuements de pieds, et même si, toute seule, lorsque je suis excitée, je sautille, tourne sur moi-même, et fais d’autres choses étranges. Je n'aligne pas les objets, je ne me passionne pas pour les machines (mais pour les alphabets, OUI!!! Tout nouvel alphabet est une découverte passionnante par ce qu’il révèle du fonctionnement de l’esprit humain qui l’a conçu ou l’utilise). Cependant, je suis aussi par bien des côtés affligée, que la responsabilité en incombe à la génétique, à mes expériences passées, ou aux deux, d'"étrangetés" qui me rapprochent de l'autisme.
Depuis longtemps, je sais que je suis différente sans trop savoir pourquoi.
Au début, lorsque, vers l'âge de 7 ans, je me suis passionnée, suite à différents évènements, pour les questions philosophico-spirituelles, je pensais simplement être "différente" comme chacun est différent dans ses intérêts ou ses aptitudes - sans que cela implique quelque handicap ou "maladie" que ce soit -. Je savais que lorsque je passais toutes mes récréations sur des questions que nul ne semblait se poser, j'étais "hors norme" au point de ne pouvoir (j'en étais convaincue) jamais trouver quiconque avec qui communiquer mes passions. Je me posais toutes ces questions seulement pour moi-même, mais en dépit de l'indicible solitude que cela implique, et de la conviction qu'être différent est dangereux dans notre monde, je me sentais "normale".
J'ai continué ainsi ma vie "inhabituelle", marquée aussi, vers l'âge de 10 ans, de séries de cauchemars qui m'empêchèrent de dormir normalement pendant peut-être un an. Ces cauchemars m'angoissaient tellement que je ne pouvais concevoir le lendemain sans sentir qu'entre aujourd'hui et demain se trouvait un mur quasi-infranchissable: la nuit. Je n'en ai parlé à personne sur le coup. Je n'ai pas pu.
Pour beaucoup d'autres choses, je n'ai pas parlé rapidement de ce qui m'était arrivé non plus, puisque je préférais attendre qu'il y ait "prescription" pour parler. Penser que l'on pourrait interpréter qui je suis, en tirer des conclusions et changer d'attitude envers moi de ce fait me gênait.
C'est vers l'âge de 11 ans que j'ai commencé à envisager sérieusement l'existence d'une pathologie chez moi.
Après tout, à cette époque, j'avais eu l'ambition de supprimer ma tendance à m'enfermer dans un monde imaginaire fantasmé et, pour ce faire, je m'interdisais de m'inventer des histoires le soir avant de me coucher. Soit. Mais, à la place, étant totalement incapable de "lâcher prise" et ayant la volonté inébranlable de maîtriser ma pensée à chaque instant, au lieu de simplement rêvasser et m'enfoncer tranquillement dans le sommeil, je me posais des questions philosophiques auxquelles j'essayais de répondre avec une rigueur maximale. Je m'interdisais de m'endormir sans avoir répondu à la question, ou sans avoir, tout au moins, fait un bilan de ce à quoi j'étais arrivée : les conclusions certaines que j'avais tirées de ma réflexion, et le pourquoi de ces conclusions, le degré exact d'incertitude que j'avais sur d'autres points - un bilan rigoureux fait par la maniaque de la vérité que j'étais. C'est au milieu de cette période ponctuée de pleurs lorsque je ne trouvais pas assez vite la réponse à une question philosophique que je m'étais imposée que j'ai commencé à me comparer à ce que je savais des autres et à me demander si ma différence n'était pas plus qu'une simple "particularité" pour relever plutôt de l'anomalie psychiatrique... Cette crainte de ne pas être "normale" ne m'a pas quittée depuis.
Lorsque j'étais au lycée, j'ai demandé une fois à mon frère comment mes camarades me percevaient. Mon frère a dit que j'étais perçue comme "un peu autiste, mais sinon ça allait". j'ignorais ce que c'était que l'autisme, à cette époque. Par la suite, via Internet, je me suis renseignée. J'en ai conclu que je n'étais pas autiste (pas atteinte de l'autisme de Kanner en tout cas), mais quoi d'autre? Petit à petit, j'en viens à mieux comprendre ce qui me fait ressembler à une personne autiste, et ce qui me fait différer d'une telle personne.
J'ai évolué avec le temps, mais je me heurte encore aujourd'hui à une série de problèmes qui m'handicappent dans ma vie sociale et sentimentale surtout, dans ma vie professionnelle un peu...
Je suis toujours attachée à la vérité à un degré inhabituel. Je sais mentir, mais certains jours je ne sais pas le faire « comme il le faudrait ». Une chef va me demander si elle a parlé « stratégiquement » par exemple, et moi qui ai trouvé son discours bon, je ne lui réponds pas « oh oui, tu as été géniale », mais à la place je ne dis rien car je me demande si le mot « stratégique » correspond bien à la situation. Je me sens obligée de dire aussi ce qui ne s’est pas bien passé avec certaines personnes que j’aime, car j’estime qu’il serait hypocrite de ne dire que le positif.
Je me refuse à utiliser certains mots s’ils ne sont pas exacts, et, au lycée, je me refusais à « parler pour ne rien dire » car à chaque question je souhaitais pouvoir apporter au moins « la meilleure réponse que je sois capable d’apporter ». Totalement en décalage avec autrui, c’est dans les clowneries que j’ai trouvé un semblant de possibilité d’intégration, mais aujourd’hui encore, je parle trop, trop de moi et de mes passions, et je semble ne jamais savoir à coup sûr quand m’arrêter ou quoi dire. Pourtant, à d’autres moments, je parle trop peu, et, en réunion de famille voire en réunion professionnelle, je peux sombrer aisément dans le rôle d’observateur silencieux.
Des années après, j’ai vu une vidéo des cinquante ans de mariage de mes grands-parents, et là, j’ai vu à quel point j’étais, de façon évidente, « différente ».
J’aime les êtres humains, mais à ma façon. D’abord, j’en ai peur. Je ne les ai pas compris autrefois et ils ne m’ont pas comprise. Je ne sais pas comment leur parler ou à tout le moins je suis persuadée de ne pas savoir. Je les aime assez pour m’être investie dans l’humanitaire, mais j’aime ainsi des humains qui me sont loin… il est plus difficile d’aimer ceux qui sont proches.
Lorsque je parle avec une personne nouvelle, parfois elle est ravie de l’intérêt que je lui porte, et que ne lui portent pas les gens moyens. Mais mon intérêt est plus « collectif » qu’individuel, même si les gens ne s’en rendent pas toujours compte. Je me renseigne sur la langue, la religion de l’autre et de son peuple (je vis dans un environnement ou chaque nouveau collègue, ou presque, est d’une nationalité différente des autres). Je me passionne pour les mécanismes de la guerre civile et l’impact qu’ils ont sur les êtres. Je demande comment la structure des idéogrammes chinois structure la pensée du peuple qui les utilise. Je me délecte de la subtilité de l’alphabet amharique. Je compte à l’un jusqu’à 5 en khmer, je parle à l’autre de la religion jain… Mais tout cela ne fait pas forcément de moi quelqu’un de passionnée par la pensée de l’individu que j’ai en face de moi, mais plutôt quelqu’un de passionnée par le collectif lointain auquel cet individu proche me permettra d’avoir accès.
Plus qu’un autre, je me sens déchirée par les souffrances d’autrui, mais moins qu’un autre je sais faire preuve d’une amitié « simple », d’une sociabilité tranquille, d’une relation interpersonnelle « normale ». Je rêve de sauver celui que j’aime des balles, mais face à lui je sais faire des erreurs ou pleurer, pas faire preuve des subtilités sociales que l’on attendrait de moi. Les gens que je connais savent que je suis « spéciale », cela semble inéluctablement reconnu, même lorsque je pense avoir réussi à me « cacher ». Cependant, personne ne met vraiment de mot sur cette mixture de manque de compétences relationnelles et de « bizarreries » que je suis.
Souvent, je me demande « ce que je devrais faire » socialement. J’ai l’impression d’être « aveugle ». Je ne comprends pas spontanément ce que l’on dit, et je dois faire un effort supplémentaire pour noter et structurer la pensée de celui qui fait un discours. Mais si je peux ne rien comprendre et tout oublier si je ne fais pas d’effort spécial, une fois que j’ai fait l’effort nécessaire pour « donner du sens » à ce qui est dit, l’analyser et me l’approprier, ma compréhension de la chose dépasse celle de la moyenne des gens. J’ai réussi ma scolarité d’une façon dite « remarquable » (deux ans d’avance, grandes écoles, parcours accéléré par la suite) et mon parcours professionnel est plus qu’honorable (sauf en ce qui concerne les relations interpersonnelles, les cocktail, accepter de prendre l’ascenseur avec d’autres et de devoir parler pour ne rien dire), mais j’en suis encore à rêver d’apprécier de rencontrer des gens nouveaux, de savoir conserver des relations avec mes amis, et de rencontrer quelqu’un avec qui faire ma vie… « Je ne sais pas » comment conserver mes amis, j’ai un grand besoin de distance d’avec les autres mais en même temps la proximité d’autrui me manque et je compense le vide affectif correspondant en parlant sur Internet.
Je me force désormais à sortir de chez moi (sinon j’allais passer ma vie à travailler et à lire) mais une situation nouvelle me stresse, si elle est sociale (par exemple, aller pour la première fois à la patinoire parce qu’il faudra avoir l’air un peu bête et novice au guichet – je sais, moi-même je trouve ça idiot-). Je dois me convaincre que je ne dérange pas les autres, et j’ai une estime de moi assez basse… Sinon, me voilà ayant inventé un alphabet et l’utilisant régulièrement pour mes notes, passant et repassant mes doigts sur une carte de visite en braille car la sensation est délicieuse, regardant le chiffre 52 car j’aime le mélange des couleurs bleue et jaune que la synesthète que je suis y voit, détestant l’idée de devoir travailler en équipe bientôt, et pleurant devant une vidéo de parents disant de leur enfant sur le spectre autistique qu’ils l’adorent et seront toujours là pour lui.
Me voilà, moi qui ai réussi brillamment ma scolarité, qui sais m’envoler toute seule pour des pays très lointains et parler en réunion devant des directeurs généraux de ministères sans stresser, en train de stresser à l’idée d’aller à un stage de théâtre amateur, de trouver qu’aller à un dîner où je vais rencontrer des gens nouveaux est une corvée que l’on accepte pour le bien du travail, et en train de me demander, une nouvelle fois, si je ne serais pas un peu PDD-NOS (trouble envahissant du développement, sans diagnostic spécifique). Si bien des choses chez moi ne « collent » pas avec l’autisme, ce qui en moi est proche de ce diagnostic me ramène, année après année, à des sites comme celui-ci, à ceci près qu’autrefois je n’ai pas trouvé de forum où on en parle, seulement des sites Internet ne permettant pas d’interaction avec d’autres personnes atteintes (ou non) du syndrome.
Voilà pour ma longue présentation… Je me doute que je me présente comme un paquet de contradictions, mais je souhaite vous rencontrer tout de même et, peut-être, avancer sur mon propre chemin tout en trouvant de nouveaux amis.
Binu
Modifié en dernier par Binu le 27 févr. 2010, 21:54, modifié 1 fois.