Bonjour Fiorina,
L'informatique, c'est souvent tout l'un ou tout l'autre. Pour ma part, quand ça ne fonctionne pas comme prévu, je sais qu'il y a toujours une raison logique à cela et ça m'intrigue. Si bien que je passe parfois des jours à trouver la solution au problème: il m'arrive parfois d'avoir envie de tout bazarder, mais... je n'ai jamais franchi le point critique. Il faut dire aussi que je suis rarement confronté à des comportements étranges sur les ordinateurs, parce que je suis très méthodique et très soucieux des détails. Au final, quand quelque chose dysfonctionne, je sais d'autant mieux identifier la cause du problème que je possède une grande quantité d'informations sur le système incriminé. Mais enfin, je ne vous le cache pas, il faut aimer ça, parce que ça occupe 80% de mon temps.
Concernant la triche, vous avez raison: cela n'embête plus grand monde. Avez-vous entendu parler du récent
article de Jean-Noël Darde sur le plagiat à l'université? Il a créé un certain malaise dans le milieu universitaire... Il est évident que l'école — au sens large — a largement favorisé les compromissions. Nous sommes dans le résultat des fantasmes du « Bac pour tous » et de l'enfant ingénieur. L'école s'est adaptée à ce qui apparaissait comme un progrès sociétal. La conséquence la plus dramatique, c'est qu'elle n'intéresse plus les élèves, dont une part non-négligeable n'y va qu'à reculons, parce qu'elle est « nécessaire pour avoir un emploi ». Dès lors, toutes les techniques de fraude apparaissent comme légitimes, puisque la seule visée est de décrocher un diplôme pour son unique valeur économique. L'humain a depuis longtemps été évacué du système scolaire, comme d'ailleurs de tous les autres (économique, professionnel, culturel...). J'ignore si vous serez d'accord avec moi, mais je vous dis les choses comme je les vois!
Je partage votre perfectionnisme et votre rigueur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela ne paie pas. Je sais qu'il y a une grosse différence de jugement entre moi et les personnes avec qui je travaille: il arrive régulièrement qu'ils jugent « convenable » des choses que je qualifierais de brouillonnes. Mes critères étant bien plus restrictifs que les leurs, il est également très courant que la qualité de tel ou tel travail (dont je ne suis pas forcément l'auteur), que je juge très bonne, ne soit pas reconnue par eux comme si exceptionnelle que ça. Ils ne sont pas sensibles à la qualité des choses, ça n'est pas une dimension qu'ils perçoivent.
De la même manière, je crois que les gens dont vous me parlez ne sont pas sensibles à certaines dimensions de votre travail. Dans votre métier, le fait de ne pas sanctionner un élève tricheur est pour moi une grave erreur. Le laxisme est le pire des poisons, parce que comme disait ma merveilleuse prof de SVT de seconde, en réponse aux invectives d'une élève sur sa trop grande sévérité,
la tolérance, c'est le début de l'indifférence. De mon strict point de vue, tous ces gens sont insensibles à l'importance que constitue la banalisation de la tricherie dès l'école — donc leur position est illégitime. Mais si l'on prend le point de vue des autres, c'est l'inverse: c'est vous qui êtes bien trop sévère. Dans l'absolu, on en revient toujours à la même chose: la légitimité se trouve du côté du nombre. Or, tout comme moi, vous êtes seule, et il vous faut ma foi composer avec.
J'ai remarqué que ce qui énerve le plus les gens, ce sont les actes ayant un caractère visible, qu'ils reçoivent comme des provocations. Dans mon travail, je fais très attention à ne pas prendre de décisions trop voyantes, parce qu'elles créeraient des conflits absurdes, ennuyeux, et, pire encore, terriblement vains... En revanche, je ne me prive pas d'agir sur tout ce qui n'est pas dans la lumière. Comme les gens n'y prêtent aucune attention, ça ne crée pas de scandale. Peut-être que vos zéros sont trop voyants. Peut-être qu'il faudrait que vous trouviez un autre moyen, plus subtil et tout aussi efficace, de signifier à vos élèves qui trichent que leur comportement est inacceptable. Y avez-vous déjà réfléchi? Si vous trouvez, je suis sûr que plus personne ne vous ennuiera, et que vous pourrez concilier vos principes avec votre travail.
Bon courage pour les copies!
M.
PS: Quelle matière enseignez-vous, si ce n'est pas indiscret ?