J'aime beaucoup la voix de Amy Winehouse qui en fait une version plus jazzy, plus noire, plus conforme à l'auteur.
Mais les deux sont à replacer dans leur contexte : il n'y aurait pas eu cette version de Amy s'il n'y avait pas eu les précédentes et le succès qui leur a donné cette popularité.
D'un côté, il y a les versions des années 60, quasi identiques, qui dénotent l'esprit de la jeunesse à la sortie de la crise de la 2ème guerre mondiale et de la reconstruction, en pleines années fastes économiquement. Le sujet est d'ailleurs la "party", la fête privée car on en a les moyens, avant d'être un dépit amoureux vite guéri car pour elles,
la rupture n'était que celle d'un flirt vu l'époque. C'est la période yé-yé de mes grandes sœurs, c'est mon enfance, j'avais entre 4 et 8 ans. J'entendais ça et ça me plaisait, sans que je sache pourquoi, simplement musicalement, simplement car étant enfant,
je ne pouvais que m'émerveiller de toutes les richesses du monde.
Pour la dernière version, j'ai vachement mûri, la société aussi. Finies les années fastes, on descend du nuage. Je ne me contente plus du « joli », je le distingue du « beau ». Donc Amy l'emporte. Mais je suis peut-être influencé par le fait que pour les premières versions, j'étais enfant, ces jeunes chanteuses auraient pu être ma mère. Amy Winehouse, elle, aurait pu être ma fille, et j'ai une grande tendresse pour ses faiblesses, une immense tristesse pour sa fin tragique. Et on entend dans la maturité de sa voix qu'elle a connu la rue, au moins au petit matin, après une nuit d'alcool et de came. Un père normal, aimant, qui verrait sa fille rentrer ainsi, dans un état catastrophique
car son amant l'a quittée, ne pourrait qu'avoir envie de la prendre dans les bras, et la bercer gentiment avant de la mettre au lit ou appeler l'ambulance, en pleurant.
Désormais, je comprends les misères du monde.
Les deux situations sont radicalement différentes, mais il faut tout de même soulever que les premières versions regardaient vers l'avenir, celle de Amy Winehouse relève de la nostalgie pour le passé, pour l'époque de nos parents (en tout cas les miens), leurs facilités auxquelles nous n'avons pas droit. C'est malgré tout une reconnaissance, pour leur histoire musicale, une manière d'accepter d'entrer dans le rang, malgré les immenses difficultés sociales et affectives d'être jeune aujourd'hui, avec le regard d'une société bien-pensante sur la marginalité totalement involontaire due au désarroi de la jeunesse actuelle.
On doit comprendre la différence de motivation : dans les années 60,
les jeunes filles avaient de sages occupations amoureuses, juste des flirts à la recherche d'un mari. Il s'agit seulement d'une préoccupation assez fleur-bleue, très "Barbie".
Pour
une jeune femme contemporaine, il en va autrement, la liberté sexuelle est passée par là, une jeune femme qui perd son mec, perd en même temps sa virginité de petite fille qu'elle lui a peut-être donnée (que ce fût au précédent n'a que peu d'importance). Il s'agit d'une vraie douleur, pas d'une petite déception.
Un comparatif qui n'a rien à voir avec Amy Winehouse :
Andrex - Y a des zazous
Michel Dussarrat - Y a des zazous
M et Brigitte Fontaine - Y a des zazous