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Aider mes élèves autistes

Posté : 28 mars 2016, 18:51
par Ingrid
Bonjour, je ne suis pas autiste, mais en tant qu'enseignante en milieu hospitalier je suis amenée à travailler avec des autistes et étant en cours de spécialisation à travailler sur le fonctionnement des autistes. Je suis professeur de français et je voudrais aider un de mes élèves autiste de 3e à devenir un peu plus autonome en rédaction. Pour pallier son manque d'imagination et son manque de planification, j'ai créé un tableau très détaillé des étapes qu'il doit accomplir et ça a plutôt bien marché, mais je voudrais l'aider à aller plus loin et à le faire même sans moi. Et je me disais que peut-être des autistes pourraient m'aider, me donner des astuces, dans la mesure où je ne peux pas penser comme lui. Merci!

Re: Aider mes élèves autistes

Posté : 29 mars 2016, 10:04
par manu
Bonjour,

Je ne crois pas pour ma part au manque d'imagination, et encore moins au manque d'autonomie, c'est presque anti-nomique relativement à l'étymologie du mot autisme, la première partie en tout cas, celle du auto-, relatif à soi, c'est donc un manque de -nomie, relatif aux autres.

Je vous crois bien sur, mais je ne pense pas que ces caractéristiques soient directement liées l'autisme, mais plutôt à l'habitude d'être perçu, dans ces actions et ces expression, comme inadapté.
Quelques années de "ils ne faut pas agir comme ça", "s'exprimer comme ça", et à coup sûr on interdit ce qui viens de la personne, en pensée et en agissement, autiste ou pas c'est obligatoire.

Vous ne pouvez penser comme personne d'autre, jamais, c'est une folie illusoire de le croire, mais une illusion bien pratique et fonctionnelle souvent pour mettre en place le mécanisme empathique de déduction des états de l'autre ... qui pourtant ne parle jamais que de vous à sa place!
L'autiste, lui, de par son expérience de vie, il le sais, il sait qu'il ne peu pas se mettre à la place de l'autre, il sait qu'il ne sait pas ce que son histoire imaginaire ferra chez l'autre, d’expérience, il sais que se mettre à la place de l'autre ne parlera jamais que de lui, il n'a pas l'illusion empathique.

Il faut donc le libérer, à mon humble avis, de la demande implicite "d'entrer soi en reconnaissance avec sa production", car c'est bien ça la demande qui se cache dans la demande d'un texte imaginaire, il n'en est pas dupe, et je suis certain que c'est ça qui coince.
Il sais qu'il serra noté sur ce que ça provoque chez vous, en toute logique, et il le sais bien, tout comme il sais qu'il ne peux pas savoir a quelle sauce il serra mangé s'il produit de lui même, de ce qui lui est interdit depuis toujours car "apprécié" comme inadapté.


Alors je n'ai pas de conseil technique, mais tentez de présenter une demande de faire lui quelque chose pour lui, ou de lui créer un cadre "sécure" où il aurait le droit de produire pour lui quelque chose qui lui convienne à lui, quitte peut être a lui faire noter lui l'intensité avec laquelle ça lui parle à lui.


Et retenez juste une chose, c'est la faille de communication qui défini l'autisme, seulement et exclusivement de communication.
Beaucoup de lacunes en découlent, en premiers lieux les intérêts restreins, mais tout part de ce défaut de moyen de communication.
Votre difficulté est donc absolument normal, mais si vous arrivez à dépasser ce défaut, alors un univers s'ouvrira a vous, le sien.
Un univers sans aucune lacune d'imagination ni de production, mais exclusivement une lacune de moyen de les partager!


Merci pour l'intérêt que vous portez à cette situation, et l'ouverture d'esprit sur suppose de venir demander ici.
Et ne dessaperez pas, car la moindre avancé dans ce domaine, même microscopique, vaut toutes les thérapies!
Car ce que vous demandez c'est ni plus ni moins "comment le faire sortir de l'autisme relativement à mon rôle".
Ne sous estimez pas les efforts qu'il doit faire, mais les résultats sont loin d'être impossible

Voici par exemple l'expression d'une autiste ( Image issue de cette page )
Image


(Je me permet cette réponse par ce que j'ai vécu avec une autiste qui n'était pas encore diagnostiqué et qui dis que je lui ai appris à s'exprimer, donc je crois avoir une relative compétence pour parler de ce sujet, même si chaque individu autiste est unique et singulier)

Re: Aider mes élèves autistes

Posté : 30 mars 2016, 21:45
par Ingrid
Bonjour, il va me falloir relire votre réponse pour être sûre de bien la saisir, mais je voulais d'ores et déjà vous en remercier. Je ne cherche pas du tout à faire changer mon élève ou à l'amener à penser différemment , il est comme il est c'est très bien comme ça, je cherche juste à lui fournir le plus d'outils possible pour qu'il réussisse à faire ce que l'institution scolaire attend de lui, en grande partie parce que ça le frustre de ne pas encore y parvenir, mais également parce qu'il en a besoin pour aller jusqu'au bout de son projet personnel. Quant au manque d'imagination, c'est lui qui me l'a formulé comme ça...je constate quand même que quand je parviens à rattacher mes sujets de rédaction à des choses qui lui sont bien connues, comme son programme d'histoire par exemple , il se sert de ses connaissances et s'en sort plutôt bien, mais qu'en effet il appréhende beaucoup un sujet qui lui soit complètement inconnu. Est ce que c'est ce qu'il appelle le manque d'imagination ou l'appréhension qui font qu'il les réussit moins, je ne sais pas! je tâtonne, je lis, Mottron et les autres et je fais des essais...
Encore merci de votre réponse, très détaillée.

Re: Aider mes élèves autistes

Posté : 31 mars 2016, 09:52
par manu
Ingrid a écrit :Je ne cherche pas du tout à faire changer mon élève ou à l'amener à penser différemment
Je n'en doute pas. Je signifie juste que de le faire s'exprimer c'est bel et bien lutter contre l'aspect handicapant de l'autisme, s'attaquer avec lui au "mur de verre" qui l'enferme, donc que les difficultés sont normales. L'image c'est pas un message caché, juste un exemple de l'imagination (et du sens de l'humour) d'une personne autiste autiste.

Défaut d'imagination? Non!
La personne avec qui je vivais et qui à été diagnostiqué autiste disait elle aussi manquer d'imagination. Elle avait réussis à reconnaître comme la concernant ce trait souvent décrit comme caractéristique. C'est que souvent des demandes de faire marcher son imagination, par exemple pour répondre à "qu'est-ce que tu ferrais à ma place" lui posait problème, comme d'autres situations où l'on dis "ok tu ne peux pas savoir, mais alors imagine".
Pourtant à maintes reprise j'ai pu constater qu'elle avait de l'imagination. Je pense aussi à une vidéo où un asperger passait son temps à dessiner des aéroports (imaginaire, donc à les imaginer), ou encore à un autre asperger qui à partagé avec moi sa conviction que Tolkien, l'auteur du seigneur des anneaux, était selon lui probablement autiste asperger aussi, lui qui a imaginé un univers complet.
Donc, comme lui, je ne crois pas en un défaut de faculté à pouvoir imaginer, mais je crois bel et bien en une impossibilité qui est traduite en "langage commun". Un blocage existe, mais si on creuse un peut il semble qu'il concerne le fait d'inclure dans cet imaginaire des éléments du commun dont le fonctionnement reste largement énigmatique pour un autiste.

Défaut de correspondance
Puisque vous lisez Mottron et d'autre, vous connaissez peut être défaut de théorie de l'esprit attribué aux autistes asperger, et l’odieuse expérience de Sally et Anne où l'enfant doit "deviner ce que pense la poupée". C'est l'expérience clé de la déduction de ce manque d'imagination, et elle est censé prouver que l'enfant n'arrive pas à attribuer des pensées à autrui.
Je dis odieuse par ce que ça prouve juste que l'enfant autiste n'arrive pas à attribuer aux expérimentateur l’idée que eux attribuent à une projection d'eux même : la poupée. Et les expérimentateur ne prennent jamais conscience de cette articulation pourtant fondamentale, l'expérience n'en parle pas.
C'est humain d'utiliser une sorte d' "humanité standard type" applicable à chacun, comme de l'appliquer à une représentation comme une poupée, et c'est a partir de ce socle là, qui reste inconscient, que chacun imagine des situations.
La correspondance relative des expérience de chacun leur permet d'entretenir cette illusion d'empathie, de croire ressentir l'état de l'autre alors qu'on ne ressent jamais que soi même que l'on imagine à la place de l'autre (ou même d'une poupée). On fonctionne comme si on savait pour l'autre, alors que c'est faux, d'ailleurs ça ne marche pas avec les autistes, on ne sais pas pour eux, notre empathie pêche à les deviner.
Les autiste, eux, savent d'expérience que cette projection empathique pêche en générale, donc ils n'ont pas de "socle humain typique" de référence mais une vertigineuse myriade de possibilités.
Ils imaginent aussi bien que tout le monde, même mieux étant donné l'ampleur de leurs monde intérieur à mon humble avis, mais ils ne peuvent pas utiliser ce "socle commun de projection", le fait de se mettre à la place de l'autre que chacun utilise sans même en avoir conscience.
Donc le "je ne peux pas imaginer" s'entend "relativement à ce que vous me demandez d'imaginer", et ça change tout!
(J'aimerais beaucoup avoir les avis des participants du forum à ce propos.).

A prendre en considération ...
Vous ne devez donc pas être dans la même illusion que ces expérimentateurs, pire, vous devez démontrer que vous n'êtes pas dans cette demande universelle d'attribution d'état à laquelle toute sa vie il a été confronté. C'est pas facile par ce que vous faire une rédaction c'est forcément trouver quelque chose de ce socle commun qui vous parle à vous. Toute communication est l'utilisation de ce socle commun. #-o
On touche ici à la nature de ce qui handicap le quotidien de la vie des autistes, une déficience de correspondance qui dans bien des cas, n'est pas nécessairement un défaut de faculté mais seulement de conformité (ce que les paroles d'autistes expriment bien souvent).
Ce ce qui forme ce mur de verre qui n'est transparent que du fait de l'inconscience de cette perpétuelle indexation au "standard humain type".
En prendre conscience c'est comme de coller une étiquette sur une baie vitrée, ça permet à chacun de voir l'obstacle.
Après vous trouverez peut-être comment le contourner, peut être en trouvant un sujet où ce socle n'existe pas (c'était le cas pour l'exemple que vous donnez qui était restreins a son expérience relative à un apprentissage).
Et dans ce cas vous constaterez probablement qu'il peux imaginer, peux être même qu'il est doué pour imaginer.


Pardon d'avoir encore été long, mais c'est la nature profonde du trouble autistique qui est en cause, donc il me semble que le temps perdu ici serra milles fois gagné si vous arrivez a la saisir ( à mon humble, non, très prétentieux avis pour le coup :p ).