Luc RENOUX a écrit :A tous les satedistes !
Je soumets à l'appréciation de l'ensemble des satedistes, un projet de lettre que je destine à Florent. Merci, de me faire part de vos remarques, vos critiques et vos suggestions. Si vous souhaitez vous associer à moi pour souhaiter la bienvenue à Florent parmi nous et l'inviter à nous rejoindre manifestez-vous !
Luc
Projet de lettre à Florent
Bonjour Florent,
Je m’appelle Luc, j’ai 52 ans. J’ai trois fils de 20, 18 et 14 ans. Le plus jeune, Vincent, a le syndrome d’asperger. C’est une forme d’autisme. Moi-même, je suis phénotype élargi d’asperger. C’est à dire que ma structure mentale a certaines caractéristiques autistiques, mais ne me gênant peu dans mes activités de la vie quotidienne.
Jusqu’il y a peu de temps, on considérait les autismes comme des débiles mentaux ou des fous. Or, on sait maintenant qu’il n’en ai rien ! Nous sommes porteurs d’une mutation génétique qui nous fait différents de la norme. Notre type de cognition (structure mentale) peut être particulièrement performante avec un mode perceptif très développé (trop même parfois) surtout dans l’appréhension des détails, un mode de pensée visuel nous permettant de visualiser les lignes de force d’une problématique, des capacités de mémoriser importantes et des capacités de traitements supérieurs à la norme. Certains autistes (même parmi ceux étiquetés déficients intellectuels) se révèlent des calculateurs prodigieux. Nous sommes capables sur les sujets qui nous intéressent (centres d’intérêt) de mobiliser toute notre concentration et nos capacités arrivant ainsi parfois à acquérir une expertise reconnue dans nos domaines de prédilection. Nombreux sont des autodidactes ou des semi autodidactes, ayant appris par eux-mêmes parfois hors d’un système scolaire qui ne nous convenait pas.
Parmi les grands contributeurs au savoir de l’humanité, nombreux sont des autistes : les physiciens Albert Einstein, Nikola Tesla, Henry Cavendish et Isaac Newton, le fondateur de Microsoft Bill Gates, les cinéastes Steven Spielberg (E.T.), Rainer Werner Fassbinder et Andy Warhol, le philosophe Friedrich Nietzsche , le joueur d’échecs Bobby Fischer, les compositeurs Erik Satie, Béla Bartok et Glenn Gouldl (peut-être Mozart) , le chanteur Craig Nicholls , l’architecte John Nash , l’acteur Keanu Reeves, et bien d’autres. A la réflexion, il n’y a aucune honte à être autiste.
Par contre, il y a de sérieux désagréments. Certains d’entre nous ont des difficultés pour délimiter leur Soi en particulier leur schéma corporel, d’autres sont littéralement agressés par les stimuli extérieurs, ou/et ressentent le besoin d’effectuer des stéréotypes gestuels (balancement, tics nerveux, gesticulation des mains) qui les font repérer et paraître « bizarres ». On ne perçoit pas bien l’implicite (le sous entendu), les signaux physionomiques (les mimiques), certaines formes d’humour. De plus, on a du mal à accepter l’hypocrisie, les mensonges, les non-dits qui sont à la base des négociations, des codes de politesse et des minauderies. On ne cherche pas à commander, mais on n’accepte difficilement les contraintes (surtout quand elles ne nous paraissent pas justifiées). Bref, on nous reproche de ne rien comprendre au film, et on nous engueule quand on se rebiffe ! Résignés à ne pas trouver leur place ou trop assaillis par leurs sensations ou leurs pensées, certains s’isolent et ne veulent plus avoir de rapport avec ce monde incohérent.
Des aspies (c’est sous ce thème que nous nous désignons quelque soit notre type d’autisme et notre quotient intellectuel techniquement reconnu) ont commencé à se revendiquer comme tels et a affirmer « la fierté » aspie (marre d’avoir honte, d’être mal considérés ! On a notre dignité, on respecte tout le monde, on demande à être respectés !). Certains ont créé des forums d’échange sur internet. Ouf ! Enfin des lieux, où les gens parlent d’autre chose que de futilités, s’acceptent et respectent quelque soit le niveau d’instruction ou le milieu social. Sur Satedi,
http://forum.satedi.org/index.php, le travailleur en C.A.T côtoie le chercheur en physique, le musicien autodidacte la violoniste professionnelle, la personne au R.M.I. le cadre retraité, la jeune fille de 11 ans discute avec l’informaticien, etc. Il y a une éthique aspie, on est tous différents, mais ces différences n’induisent pas de supériorité ou d’infériorité.
Sur le forum , Brigitte, ta mère, nous a parlé de toi. Elle pense que tu es peut-être aspie. Elle nous a fait part de son désarroi de mère de te voir déscolarisé avec comme seule passion les jeux vidéo. Il paraît que tu aimerais être concepteur de jeux vidéo. Nous lui avons dit que si telle était ta passion, il fallait te faire confiance et t’encourager à acquérir les connaissances et les savoir faire techniques de ce métier super intéressant ! Clique sur le lien et tu pourras prendre connaissance de nos propos à ce sujet
http://forum.satedi.org/viewtopic.php?p ... ght=#25009 .
Si tu le veux bien, parlons ! Parlons franchement!
Tu es déscolarisé car tu n’es pas adapté au système scolaire, ou plutôt le système scolaire n’est pas adapté à toi. Ceci dit, on peut apprendre hors du système scolaire et s’épanouir. Et si au lieu de s’attaquer à un apprentissage par matières sans lien entre elles, tu prenais comme fil conducteur ta passion pour les jeux vidéo et ton désir de devenir concepteur ? Un jeu est fondé sur une histoire avec une scénographie, … donc un scénario, … donc du travail d’écriture, … donc du français. L’animation dynamique, c’est de la géométrie dans l’espace ou plutôt du dessin vectoriel, donc une forme de mathématique. Le graphisme, c’est du dessin. Une conduite de projet, c’est de la planification, … de la gestion. Etc. Français, Math ; Géométrie ; Gestion ne sont pas des gros mots. Ce sont des domaines du savoir et des compétences que l’on peut acquérir si on est motivé. Si tu enfourches ta passion, tu peux chevaucher loin ! D’autres parmi nous l’ont fait avant toi.
J’en arrive à ma proposition. Créons sur Satedi, un espace de discussion « Conception de jeux vidéo ». Si tu y postes des scénarios, tu trouveras plein de gens pour les lire, te faire des remarques constructives (il n’y a jamais de remarques désobligeantes sur Satedi !). Si tu abordes la question de la programmation vectorielle, tu trouveras des passionnés d’informatique, des physiciens pour réfléchir avec toi, t’indiquer des bibliographies, etc. Bref, on peut t’aider à apprendre … à apprendre avec passion.
Ca me rappelle un bouquin de science fiction. Dans une société, les personnes apprenaient leur métier à l’adolescence par formatage de leur cerveau et importation des connaissances nécessaires. Le jour de leur 18 ans, on leur faisait passer des tests, le tel sera chauffeur de taxi, le tel médecin, le tel réparateur d’ascenseur, … et hop on les branchait sur une machine et ils se retrouvaient opérationnels pour leur futur boulot. … Et puis, il y avait les inadaptés. Ceux qui n’étaient pas formatables. Le héros de l’histoire apprend qu’il est inadapté et se retrouve envoyé à déprimer dans un centre pour inadaptés. Au lieu de s’apitoyer, il décide d’apprendre par lui-même et se met à lire tout ce qu’il trouve (il faut dire qu’il avait appris à lire par lui-même). Au bout d’un certain temps, les psy de l’établissement le mutent vers une section spécialisée, et là … il se retrouve avec des gens comme lui qui passent leur temps à étudier avec passion et à faire de la recherche. Car dans cette société, c’était ceux qui étaient capables d’apprendre par eux mêmes qui développaient les nouveaux savoirs, … nouveaux savoirs qui étaient ensuite injectés aux personnes standards.
Bienvenue par nous, petit frère !
Luc